Cécile
Kyenge, 49 ans, est la première ministre noire de l’histoire de la
République italienne. Née au Congo, elle a suivi ses études de médecine
en Italie où elle vit depuis 1983. Membre du Parti démocrate (gauche),
elle était députée avant d’être nommée par Enrico Letta à la tête du
ministère de l’Intégration. Elle faire l’objet de multiples insultes ou
attaques racistes. Entretien.
Cécile Kyenge continue d’être la cible d’attaques racistes
d’une gravité sans précédent en Italie. La plus violente remonte au mois
de juin dernier, lorsque le vice-président du Sénat et membre de la
Ligue du Nord Roberto Calderoli l’a comparée publiquement à un « orang-outan ».
Ce jeudi 8 août, elle a subi une nouvelle attaque, politique cette
fois-ci : le secrétaire adjoint de la Ligue du Nord, Matteo Salvi, a
déclaré que le ministère de l’Intégration était « inutile, coûteux » et qu’il faudrait « l’abolir ».
Le président de la République, Giorgio Napolitano, a lancé un appel à toutes les forces politques et sociales en soulignant que « l’immigration est partie intégrante et indissoluble de l’histoire de la nation ». Une immigration défendue avec beaucoup de diplomatie par la ministre italienne de l'Intégration.
RFI : Pourquoi croyez-vous être la cible de telles attaques depuis votre nomination en tant que ministre ?
Cécile Kyenge : Les attaques et les insultes racistes dont je suis la cible s’expliquent d’abord parce que je suis noire. Ensuite, parce que je suis née à l’étranger. En effet, il y a encore une partie de la population qui n’arrive pas à accepter qu’une personne née à l’étranger, avec la nationalité italienne, puisse devenir ministre de la République. Et puis enfin, c'est parce que je suis une femme.
Est venu s’ajouter à cela le fait que j’ai commencé mon mandat en demandant l’introduction du droit du sol. Les gens ont alors pensé qu’avec une telle loi, chaque personne arrivant en Italie et mettant un enfant au monde pouvait avoir, immédiatement, la nationalité italienne. Or, la loi que j’avais présentée lorsque j’étais députée était au contraire une loi tempérée, qui devait tenir compte du parcours d’intégration des parents sur le territoire, d’une durée d’au moins cinq ans. Ce délai est actuellement en discussion pour permettre aux enfants nés en Italie d’avoir automatiquement la nationalité italienne.
RFI : Pourquoi tant de réticences sur le droit du sol ? Est-ce qu’il n’y a pas un problème de mémoire collective ? Durant l’après-guerre, les émigrés italiens ont pourtant bien connu le racisme.
D’un côté, il y a effectivement un manque de mémoire qui doit passer par la formation et par l’école. Je pense qu’il faudrait enrichir les programmes scolaires sur le thème de l’émigration, c'est-à-dire la mémoire de l’Italie. Il faudrait aussi inclure l’histoire de l’immigration. En Italie, l’immigration est une richesse. Au début des années 1990, il y avait un peu plus d’un million d’étrangers. Aujourd’hui, on frôle les cinq millions.
Malheureusement, la politique sécuritaire appliquée à ce moment là n’a pas pris en considération le côté positif, à savoir le travail des migrants, qui représente 10% du PIB italien. Ou encore leur contribution à la caisse des retraites, vu que la plupart de ces migrants sont assez jeunes. Par ailleurs, il n’y pas que les immigrés arrivés dans des barques à Lampedusa. Il y a aussi des étudiants, des travailleurs et des cerveaux.
Que faudrait-il faire pour sensibiliser les Italiens à la diversité ?
Je crois que nous avons besoin du point de vue culturel mais aussi du point de vue juridique. Il faut, d’un côté, renforcer les lois et les normes juridiques et, d’un autre côté, la formation et la sensibilisation dans des secteurs comme l’école, le sport, la communication et ainsi de suite. Je crois que c’est très, très important.
Le président du Sénat, Pietro Grasso, souhaite relancer la candidature de l’île de Lampedusa au prix Nobel de la paix. Est-ce que vous soutenez cette proposition ?
Lampedusa symbolise, surtout après le passage du pape, un lieu où les migrants ont longtemps été ignorés. Alors oui, c'est une proposition. Mais je crois qu’il faut d’abord commencer par une prise de conscience, et savoir que Lampedusa ne doit pas être vue comme un cimetière mais comme une porte.
Le président de la République, Giorgio Napolitano, a lancé un appel à toutes les forces politques et sociales en soulignant que « l’immigration est partie intégrante et indissoluble de l’histoire de la nation ». Une immigration défendue avec beaucoup de diplomatie par la ministre italienne de l'Intégration.
RFI : Pourquoi croyez-vous être la cible de telles attaques depuis votre nomination en tant que ministre ?
Cécile Kyenge : Les attaques et les insultes racistes dont je suis la cible s’expliquent d’abord parce que je suis noire. Ensuite, parce que je suis née à l’étranger. En effet, il y a encore une partie de la population qui n’arrive pas à accepter qu’une personne née à l’étranger, avec la nationalité italienne, puisse devenir ministre de la République. Et puis enfin, c'est parce que je suis une femme.
Est venu s’ajouter à cela le fait que j’ai commencé mon mandat en demandant l’introduction du droit du sol. Les gens ont alors pensé qu’avec une telle loi, chaque personne arrivant en Italie et mettant un enfant au monde pouvait avoir, immédiatement, la nationalité italienne. Or, la loi que j’avais présentée lorsque j’étais députée était au contraire une loi tempérée, qui devait tenir compte du parcours d’intégration des parents sur le territoire, d’une durée d’au moins cinq ans. Ce délai est actuellement en discussion pour permettre aux enfants nés en Italie d’avoir automatiquement la nationalité italienne.
RFI : Pourquoi tant de réticences sur le droit du sol ? Est-ce qu’il n’y a pas un problème de mémoire collective ? Durant l’après-guerre, les émigrés italiens ont pourtant bien connu le racisme.
D’un côté, il y a effectivement un manque de mémoire qui doit passer par la formation et par l’école. Je pense qu’il faudrait enrichir les programmes scolaires sur le thème de l’émigration, c'est-à-dire la mémoire de l’Italie. Il faudrait aussi inclure l’histoire de l’immigration. En Italie, l’immigration est une richesse. Au début des années 1990, il y avait un peu plus d’un million d’étrangers. Aujourd’hui, on frôle les cinq millions.
Malheureusement, la politique sécuritaire appliquée à ce moment là n’a pas pris en considération le côté positif, à savoir le travail des migrants, qui représente 10% du PIB italien. Ou encore leur contribution à la caisse des retraites, vu que la plupart de ces migrants sont assez jeunes. Par ailleurs, il n’y pas que les immigrés arrivés dans des barques à Lampedusa. Il y a aussi des étudiants, des travailleurs et des cerveaux.
Que faudrait-il faire pour sensibiliser les Italiens à la diversité ?
Je crois que nous avons besoin du point de vue culturel mais aussi du point de vue juridique. Il faut, d’un côté, renforcer les lois et les normes juridiques et, d’un autre côté, la formation et la sensibilisation dans des secteurs comme l’école, le sport, la communication et ainsi de suite. Je crois que c’est très, très important.
Le président du Sénat, Pietro Grasso, souhaite relancer la candidature de l’île de Lampedusa au prix Nobel de la paix. Est-ce que vous soutenez cette proposition ?
Lampedusa symbolise, surtout après le passage du pape, un lieu où les migrants ont longtemps été ignorés. Alors oui, c'est une proposition. Mais je crois qu’il faut d’abord commencer par une prise de conscience, et savoir que Lampedusa ne doit pas être vue comme un cimetière mais comme une porte.
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