Il ne restait plus que deux mois au docteur Zhang
Shuxia, une obstétricienne du nord-ouest de la Chine, pour prendre sa
retraite. A 55 ans, officiant dans la province du Shaanxi, connue dans
le monde entier pour les guerriers en terre cuite du tombeau de
l'empereur Qin Shihuang, elle était recherchée et appréciée pour ses
compétences comme vice-directrice de la maternité de l'hôpital du
district de Fuping, où vivent plus de 800 000 habitants. Mais elle est
désormais aucentre d'un scandale d'enlèvements de bébés, qui a poussé
les autorités à ordonner une enquête dans tous les établissements du
pays.
Le docteur Zhang et cinq autres personnes ont été
arrêtées pour trafic d'êtres humains et les enquêteurs travaillent sur
une dizaine de cas, selon les médiaschinois.
Elle a été surnommée par la presse le "tigre qui rit", une expression
chinoise désignant ceux qui cachent leurs mauvaises intentions derrière
un visage avenant.
2 646 EUROS LE BÉBÉ
Le 16 juillet, après un
accouchement, elle avait affirmé aux parents que leur nouveau-né, un
garçon, avait un problème congénital. Les soins allaient leur coûter une
fortune, mais elle leur proposait, tout simplement, de lui laisser l'enfant et elle se chargerait du problème. Le père était un ancien camarade de classe du docteur Zhang, il ne pouvait que lui faire confiance. Mais, très vite, la famille a eu des soupçons.
Trois jours après, elle a alerté les autorités
locales qui ont saisi la police. Cette dernière a mis en place une
équipe d'investigation qui a permis de remonter la
filière, jusque dans la province du Henan, où le bébé a été finalement
retrouvé sain et sauf. Devant les caméras, il a été rendu par la police à ses parents lundi 5 août après confirmation par test ADN qu'il s'agissait bien de leur fils.
Il avait été vendu à un père de famille de la
province voisine du Henan à des centaines de kilomètres de Fuping. Il
avait eu trois filles et son rêve, bien ancré dans la tradition
chinoise, était d'avoir un
garçon. Si l'obstétricienne avait obtenu 21 600 yuans (2 646 euros) de
la part de deux trafiquants, l'acheteur final avait dû débourser près de
trois fois plus.
ENFANT UNIQUE
Le trafic d'enfants est un fléau qui touche des milliers de familles en Chine chaque année et il est renforcé par la politique de l'enfant unique, mise en place au début des années 1980 pour éviter une croissance démographique trop forte, qui aurait pu nuire aux
réformes économiques mises en place par Deng Xiaoping. Des milliers
d'enfants sont portés disparus, victimes d'enlèvement par des réseaux.
Si certains sont forcés à mendier, à travailler dans des conditions déplorables ou à se prostituer, d'autres sont vendus à des parents qui n'ont pas pu avoir un garçon.
MESURES ANTI-KIDNAPPING
Longtemps, les victimes ont dû faire face
à l'indifférence des autorités. Mais, depuis 2009, à la suite de
précédents scandales, de nombreuses mesures ont été prises, en
particulier la création d'une équipe anti-kidnapping national et d'un
fichier ADN. Selon l'agence officielle Chine nouvelle, depuis cette
date, la police a puretrouver 54 000 enfants. La société civile se mobilise également en ayant recours aux réseaux sociaux.
Sur Sina Weibo, le principal site de microblogs en Chine, des parents
diffusent quotidiennement les photos de leurs enfants disparus grâce au compte Baobei huijia ("Bébé,
rentre à la maison"). Le scandale de la maternité de Fuping a également
éclaté au moment où le débat sur la politique de l'enfant unique a été
relancé. Les médias chinois ont affirmé que la Commission du planning
familial allait assouplir le système dès 2015 avant que le porte-parole de la Commission ne démente toute réforme.
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