mardi 25 septembre 2012

la-cote-d-ivoire-est-elle-en-mission-de-destabilisation-du-ghana


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Depuis le coup d’État du 11 avril 2011 qui a emporté le régime de Laurent Gbagbo les relations naguère amicales entre le Ghana et la Côte d’Ivoire sont en passe de devenir tumultueuses. La raison apparente et immédiate de ce changement serait la présence sur le sol ghanéen de personnalités proches du président ivoirien déchu.
 
Or cette présence des réfugiés ivoiriens, fuyant les exactions et la justice des vainqueurs en Côte d’Ivoire, a un triple fondement. Elle s’explique d’abord par le fait que le Ghana, à l’instar de la Côte d’Ivoire, est un pays hospitalier dont le défunt Président, John Atta Mills, entretenait de surcroit des relations très cordiales avec  la Cote d’Ivoire de Laurent Gbagbo. La constitution de ce pays interdit le refoulement et l’extradition de réfugiés, pour autant qu’ils ne sont pas réputés criminels avérés dans leurs pays d’origine. Ensuite, après des années d’instabilité, rythmées par des coups d’état, le Ghana offre au monde aujourd’hui l’image d’un pays démocratique respectueux des droits humains. Enfin, on peut noter une relative solidité de l’économie ghanéenne galvanisée par la découverte d’importants gisements de pétrole et de gaz naturel. Le dynamisme de cette économie montre des signes perceptibles notamment dans le développement des infrastructures de communication. Pour toutes ces raisons, même si la langue constitue à priori une certaine barrière, les Ivoiriens ont préféré comme terre d’exil ce pays à d’autres destinations.
 
L’on se souvient qu’au plus fort de la crise post électorale, des Etats membres de la CEDEAO avaient préconisé une intervention militaire pour déloger le Président Gbagbo proclamé vainqueur de l’élection  présidentielle de 2010 par le Conseil constitutionnelle. Le Ghana avait joint sa voix à celles d’autres Etats dignes du continent noir pour réprouver une telle solution aux conséquences catastrophiques prévisibles. Pour autant, fidèle à sa tradition de pays respectueux des relations internationales, le Ghana a honoré le nouveau pouvoir installé à Abidjan à coup de bombes en avril 2011. En effet, à l’occasion de la pseudo investiture de monsieur Alassane Dramane Ouattara, le président ghanéen, non seulement, a autorisé ses troupes à défiler à Yamoussoukro, mais il a personnellement assisté à la cérémonie. Puis en août 2011, à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance, le contingent ghanéen de l’ONUCI a encore défilé devant les autorités ivoiriennes. Autant d’actes dont l’élégance le dispute à la sagesse pour indiquer que le Ghana tient à conserver des relations de bon voisinage avec la Côte d’Ivoire en dépit du caractère manifestement illégal du nouveau pouvoir d’Abidjan.
 
Malheureusement, une fois installé et auréolé du soutien de toute la planète, Alassana Ouattara n’a pas le triomphe modeste. En mal de légitimité, il veut se poser en leader des pays de la sous région ouest africaine pour donner à la françafrique un nouveau souffle. C’est pourquoi pour la première fois dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, un président Ivoirien va briguer le poste de président en exercice de la CEDEAO. Une fois à la tête de l’institution communautaire sous régionale, le président ivoirien ne tardera pas à se prendre pour le président des quinze Etats de cette organisation. Faisant fi des règles de bienséance qui président aux relations diplomatiques monsieur Ouattara tentent maladroitement d’en imposer à ses pairs avec des décisions à l’emporte pièce, notamment dans les crises malienne et gambienne.
 
Avec le Ghana voisin, le président a hâte de régler deux problèmes. Le premier concerne l’extradition ad et nunc des réfugiés ivoiriens sur installés au Ghana. Il en a besoin pour, d’une part être en conformité avec la constitution ivoirienne qui interdit l’exil des citoyens ivoiriens et d’autre part, en finir avec son adversaire politique Laurent Gbagbo en neutralisant tous ses partisans. Le deuxième problème auquel le président ivoirien s’attaque est relatif à la question de la délimitation de la frontière maritime entre les deux pays. Pour cela les autorités ivoiriennes ne ménagent aucun effort alliant diplomatie approximative à des actes de banditisme international dans l’espoir d’amener le Ghana à aller au rythme de la Côte d’Ivoire sur ces dossiers sensibles.
 
Sur la question des exilés ivoiriens la bonne foi du Ghana n’a jamais été prise à défaut, jusqu’à preuve du contraire. En effet, personne ne saurait reprocher  à un pays d’accueillir des réfugiés qui fuient une guerre à relent ethnique et tribal après avoir tout perdu dans leur pays d’origine. La Côte d’Ivoire avait par le passé accueilli des milliers de Ghanéens sans que le Ghana ne s’en émeuve autre mesure. Même en l’absence d’un droit international sur le statut de refugiés, le Ghana ne peut pas refouler des Ivoiriens en quête de sécurité et de paix. Au surplus, dans l’espace CEDEAO, le principe demeure la libre circulation et le libre établissement des citoyens de la communauté dans l’État de leur choix. Dans ces circonstances, forcer le Ghana à renvoyer les Ivoiriens est une entreprise suspecte vouée à l’échec. Le peu d’empressement que les Etats africains mettent à exécuter les nombreux mandats d’arrêt lancés contre les proches de Gbagbo en exil est un signe de désapprobation de cette politique répressive aveugle des autorités d’Abidjan. Plus d’un an après l’instauration de la démocratie des bombes, la répression et la justice des vainqueurs continuent de s’abattre sur les partisans de Laurent Gbagbo. Dans ces conditions, à moins d’être complice de ces violations flagrantes des droits humains, aucun pays sérieux ne peut extrader un exilé ivoirien vers la Côte d’Ivoire.
 
Quant à la question du différent frontalier, il est curieux de constater qu’à peine installées, les autorités ivoiriennes en ont fait un sujet prioritaire comme s’il y avait péril en la demeure. Faut-il rappeler que la frontière maritime entre la Côte d’Ivoire et le Ghana n’a jamais été délimitée contrairement à la frontière terrestre dont les bornes sont apparentes et ne font l’objet d’aucune contestation. Par laxisme les autorités ivoiriennes depuis l’indépendance n’ont pas daigné régler cette question jusqu’à ce que, sous le mandat du Président Gbagbo, le Ghana fasse une importante découverte de pétrole à proximité de la Côte d’Ivoire. La décision du gouvernement ivoirien de relancer le dossier de la délimitation de la frontière maritime avec le Ghana avait paru suspecte aux yeux du ministre ghanéen du pétrole au début de l’année 2010. Pour le Ghana, la Côte d’Ivoire s’active à cause de la découverte du pétrole dans les eaux territoriales voisines. Il a fallu tout le tact et toute la sagesse reconnus aux deux chefs d’État d’alors pour faire tomber  la tension en son temps. Le Président Ivoirien avait même dépêché le Ministre des Mines et de l’Energie auprès du Président ghanéen pour le rassurer sur les intensions non belliqueuses de la Côte d’Ivoire à l’égard du Ghana. Pour le Président Gbagbo, il n’y avait aucune fatalité pour les Etats africains à se livrer une guerre du pétrole qui ne profite qu’aux compagnies pétrolières. Et la guerre du pétrole n’eut pas lieu entre la Côte d’Ivoire et le Ghana par la sagesse des deux dirigeants qui avaient une haute idée de la paix et de la fraternité africaine. 
 
La détermination des occidentaux à faire de monsieur Ouattara le Président de la Côte d’Ivoire, contre vents et marées depuis 1994, trouve son explication dans la capacité de nuisance des intérêts africains de l’ancien fonctionnaire du FMI. La volonté des puissances occidentales de maintenir les pays d’Afrique dans la pauvreté et la misère n’échappe à personne. Cela apparaît comme une nécessité en raison de la position géostratégique d’un continent africain dont le sous-sol regorge de matières premières  qui font cruellement défaut à certains pays développés. L’équation qui se pose à ces nations développées est de savoir comment maintenir l’Afrique dans son rôle de pourvoyeur de matières premières brutes. Peu importe si les populations africaines doivent continuer à vivre dans des conditions moyenâgeuses. Dans ces conditions, des Etats africains stables, gouvernés sous le modèle occidental et soucieux des intérêts nationaux constituent un danger. Ils sont qualifiés de pays fermés parce qu’ils veulent être maîtres des ressources naturelles de leur sous-sol. Ce statut de pays fermés est une conditionnalité suffisante à l’éligibilité au club des pays à déstabiliser. Pour échapper à ce club, très ouvert par ailleurs, les dirigeants des Etats dont le sous-sol regorge de matières premières, énergétiques notamment, ont une seule alternative. Ou ils servent les intérêts des puissances occidentales au moyen de contrats aux clauses léonines, ou ils affichent leur volonté de servir leurs peuples. Dans le premier cas ils sont assurés d’une longévité au pouvoir, assortie d’un permis de violation des droits humains. Dans le second cas, ils sont diabolisés, traités de dictateurs infréquentables avant de se faire éjecter du pouvoir violemment.
 
C’est à la lumière de cette réalité qu’il faut situer l’avènement de monsieur Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire après près de vingt ans de coups de force. Sa mission ne se limite pas à la seule Côte d’ivoire. Loin s’en faut ! A-t-il l’étoffe suffisante pour jouer efficacement ce rôle ? C’est là une autre question. Par contre son acharnement sur le Ghana qu’il accuse, en des termes à peine voilés, de servir de base arrière à des déstabilisateurs de son régime suscite réflexions.
 
En réalité, le Ghana a le profile d’un pays à déstabiliser tel que décrit plus haut. Que reste t-il de viable en Afrique de l’Ouest après l’effondrement de la Côte d’Ivoire, la désorganisation du géant nigérian et le plombage au sol de la Guinée et du Sénégal. Le pays de Kwame NKRUMAH, panafricaniste né, après avoir expérimenté la déstabilisation pendant de longues années, semble avoir compris le subtil jeu des intérêts géopolitiques internationaux. C’est pourquoi, prenant appui sur ses ressorts culturels, il a su instaurer un système de gouvernance qui lui permet aujourd’hui de s’attaquer aux fondements du sous développement. Le pays semble avoir mieux négocié ses contrats pétroliers pour en tirer le meilleur parti pour les générations actuelles et celles à venir. Il n’entretient pas de relations tutélaires étouffantes avec l’ancienne puissance coloniale. Le Ghana a une politique monétaire dynamique qui sert de levier à son économie. Autant d’atouts pour ce pays qui ne tardera pas à s’imposer comme modèle de développement en Afrique de l’ouest.
 
C’est pour casse cette dynamique que certains réseaux s’agitent en utilisant le pouvoir ivoirien qui multiplie les actes de provocation du voisin ghanéen. La Côte d’Ivoire a-t-elle intérêt à ouvrir un autre front à l’est après celui de l’ouest ? La réponse est assurément négative! Sauf que pendant que les pays seront occupés à se guerroyer, les exploitants pétroliers, gaziers et miniers continueront leur ouvrage, loin des velléités d’exigence du juste prix. Nous perpétuerons ainsi notre vocation de pays potentiellement riches mais éternellement pauvres. Ouattara serait-il en mission pour cela ?

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