mercredi 5 septembre 2012

Santé : Les vertus médicales du cannabis redécouvertes




Verra-t-on demain du cannabis prescrit sur ordonnance ? L'éventualité n'a plus rien de fantaisiste. Dans plusieurs pays, des brèches se sont ouvertes dans l'interdit frappant l'usage de cette drogue. Tout récemment en Grande- Bretagne et, avant cela, aux Pays-Bas ou dans certains Etats américains, des décisions politiques ont permis de mener des recherches qui se développent sur l'utilisation thérapeutique du cannabis. C'est un retour aux sources puisque certaines propriétés pharmacologiques de cette substance sont connues depuis l'Antiquité. Les Romains soulageaient les femmes des douleurs de l'enfantement grâce aux vertus de Cannabis sativa. Les propriétés sont redécouvertes vers les années 1840 par un jeune médecin irlandais travaillant à Calcutta, W.B. Shaugnessy, qui les fait connaître à la communauté médicale d'Europe et des Etats-Unis, en les administrant à des patients atteints de la rage, de rhumatismes, d'épilepsie ou de tétanos, rappelle Bertrand Lebeau dans sa préface à la traduction française de l'ouvrage de référence d'Ed Rosenthal, Dale Gieringer et Tod Mikuriya ( Du cannabis pour se soigner [Marijuana Medical Handbook], Editions du Lézard, Paris, 1998). L'engouement est tel que, selon Jack Herer ( L'Empereur est nu, Editions du Lézard), "de 1842 au tournant de ce siècle, le cannabis représentait la moitié de la totalité des ventes de médicaments".
PRINCIPE ACTIF DÉCOUVERT
L'usage médical de cette substance décline cependant vers la fin du XIXe siècle. D'autres médicaments - notamment les opiacés - sont isolés. Mais il faut attendre 1964 pour voir l'identification du premier cannabinoïde, le delta-9 tétrahydrocannabinol, principal principe actif, par Raphaël Méchoulam. Auparavant, après des mises en garde sur sa dangerosité, le cannabis a été retiré de la pharmacopée américaine en 1941. En France, la même mesure est prise en 1953.
Aux propriétés thérapeutiques du cannabis connues de longue date, des publications scientifiques récentes viennent, aujourd'hui, apporter des démonstrations expérimentales dans des domaines nouveaux.
Les actions déjà connues. Le cannabis est utilisé dans différentes indications : douleur, nausées et vomissements, stimulation de l'appétit, mais aussi comme bronchodilatateur (dans l'asthme), comme antispasmodique (dans la maladie de Parkinson et la sclérose en plaques) ou comme vasodilatateur (dans le glaucome). Les huit protocoles compassionnels américains concernent des personnes souffrant de douleurs, de perte de l'appétit ou de nausées, ainsi que de glaucome.
Propriétés antitumorales. Le principal composé du cannabis, le delta-9 tétrahydrocannabinol, et des cannabinoïdes de synthèse sont capable des faire régresser des tumeurs cérébrales chez des modèles animaux. Les recherches menées par une équipe madrilène, et publiées dans l'édition de mars du mensuel Nature Medicine, pourraient ouvrir une nouvelle voie thérapeutique contre les tumeurs gliales chez l'homme, qui sont les tumeurs cérébrales primitives les plus fréquentes.
Les traitements actuels de ces cancers - agressifs et combinant chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie - ne parviennent qu'à permettre une survie moyenne de 40 à 50 semaines. Ismael Galve-Roperh et l'équipe de Manuel Guzman (université Complutense, Madrid) ont utilisé des rats chez lesquels des cellules de gliomes ont été injectées directement dans l'hémisphère cérébral droit afin d'y provoquer la formation d'une tumeur. L'administration intratumorale d'agonistes des cannabinoïdes, c'est-à-dire de substances dont l'action va dans le même sens qu'eux, a permis d'éradiquer la tumeur chez un tiers des animaux et a permis de prolonger la survie d'un autre tiers. Pour le troisième tiers, les cannabinoïdes n'ont eu aucun effet sur le cours de la maladie provoquée. Selon l'équipe espagnole, sous l'effet des cannabinoïdes, les cellules tumorales entrent en apoptose, un processus aboutissant à la mort cellulaire. Sur le plan pharmacologique, ce phénomène implique deux types de récepteurs cannabinoïdes, baptisés CB1 et CB2, qui, activés par un agoniste, peuvent, indépendamment l'un de l'autre, conduire à l'apoptose. Mais la démonstration n'en a été faite qu' in vitro et non encore in vivo.
Action antispasmodique. Les cannabinoïdes permettent de contrôler la spasticité et le tremblement dans un modèle animal de la sclérose en plaques. Ce travail expérimental, mené par David Baker (University College, Londres) et une équipe anglo-américaine, a été publié le 2 mars dans l'hebdomadaire Nature. Plusieurs agonistes des récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2 ont permis d'améliorer les signes cliniques chez un type particulier de souris, tandis que des substances antagonistes les exacerbaient. Ce qui laisse à penser que le système cannabinoïde endogène jouerait un rôle tonique actif dans le contrôle du tremblement et de la spasticité. En France, l'Académie de médecine a pris officiellement position en 1998 : "Des tentatives d'applications thérapeutiques du cannabis et de ses dérivés de synthèse ont été faites pour traiter la douleur, les vomissements induits par la chimiothérapie du cancer, le glaucome, l'anorexie des malades atteints du sida, la spasticité musculaire des malades atteints de sclérose en plaques. Aucune supériorité de ces produits n'a été démontrée à ce jour par rapport à des médicaments classiques non toxicomanogènes utilisés dans ces indications." Un point de vue qui rejoignait celui exprimé par l'Académie des sciences dans un rapport sur les effets du cannabis, rendu public le 27 mars 1997.
Outre-Manche, l'Association médicale britannique (BMA), qui représente les praticiens de ce pays, s'est prononcée en faveur de l'usage médical du cannabis en 1997. Ce faisant, la BMA a attiré l'attention sur certains dangers des cigarettes de marijuana, qui contiennent trois fois plus de goudrons que les cigarettes de tabac, et sur les effets indésirables de certains des 400 composants (dont plus de 60 cannabinoïdes) du cannabis. Si la consommation du cannabis sous forme de cigarettes est la plupart du temps la seule accessible, les médecins britanniques appellent de leur voeux la mise au point de médicaments à partir, notamment, du delta-9 tétrahydrocannabinol.
Des essais cliniques sur les bénéfices thérapeutiques du cannabis chez l'homme ont démarré au mois de décembre 1999 en Grande-Bretagne, sous les auspices du Conseil de la recherche médicale (MRC). Le laboratoire GlaxoWellcome a, pour sa part, entamé des recherches similaires. D'autres firmes pharmaceutiques se sont également intéressées aux substances contenues dans le cannabis, mais à ce jour seul un médicament contenant du tétrahydrocannabinol, le dronabinol ou Marinol, a été mis sur le marché aux Etats- Unis.

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