A la barre du tribunal militaire d’Abidjan qui
siège depuis le 2 octobre 2012, relativement à l’assassinat du
colonel-major Dosso Adama, les versions se multiplient, se chevauchent.
Elles se repoussent ou se contredisent dans une belle dissonance.
Mais qui, hélas,
complique la tâche de la Cour qui devra pourtant, à l’issue des débats,
trouver réponse à la question autour de laquelle tourne le procès : de
qui est venu l’ordre d’assassiner l’ex-commandant du Gatl ? Le mardi 9
octobre 2012, des témoins ont été appelés à la barre. Le sous officier
Zamblé Bi Zamblé, chauffeur du général Dogbo Blé, a fait savoir que
jamais il n’a été joint au téléphone par le sergent Toualy Jean-Noël,
chef de poste du blocus où a été pris le colonel-major Dosso. Or le
sergent Toulay a soutenu le contraire, affirmant que son intention
était d’informer le général du désir du colonel Dosso de le rencontrer.
Quant au major Kouadio Kouadio, chef de la sécurité de l’ex-commandant
de la Garde républicaine (Gr), il a fait remarquer au tribunal qu’aucune
mission du général Dogbo ne pouvait être exécutée par ses gardes du
corps sans qu’il n’en soit informé. « Mais il arrive que le général les
envoie faire des courses, soit à la banque, à la pharmacie, etc . »,
a-t-il précisé.
Aussi, a-t-il expliqué que certains éléments commettent des actes à l’insu de leur patron. « S’ils commettent des actes, ce n’est pas forcément parce qu’ils ont reçu un ordre du général »,
a-t-il insisté, malgré les questions pressantes du parquet. Le jour
des faits, le 12 mars, le major Kouadio Kouadio soutient que quand il
revenait de chez lui, il a trouvé à la présidence des soldats de la Gr
déjà couchés, tout comme le général qui s’était enfermé dans son bureau.
En d’autres termes, il n’a pas vu les sergents Lago Léo, Lobé Lobé et
Yapi Yavo (les deux derniers cités sont en fuite : Ndlr) dans le bureau
du général. Toutefois, il fait savoir que quelques jours après la
commission du meurtre, Toh Ferdinand (un des prévenus) lui a révélé, au
cours d’un repas, que Lago Léo, Lobé Lobé et Yapi Yavo ont exécuté le
colonel-major Dosso. « Toh m’a dit qu’il ne savait pas lui-même de qui l’ordre est venu »,
a ajouté le chef de la sécurité de Dogbo Blé. Depuis le début du
procès, le sergent Lago Léo a signifié à la Cour que l’ordre a été donné
par le commandant Kipré Yagba (directeur de cabinet de l'ex-commandant
de la Gr) qui lui-même a reçu l’ordre du général Dogbo Blé et qu’après
leur forfait, ils ont rendu compte aux deux responsables. Le commandant
Yagba a rejeté tout en bloc.
Selon lui, le sergent Lago est venu
spontanément à lui pour lui demander s’il y avait une mission
(l’exécution de la victime) à effectuer. Il a dit lui avoir répondu
qu’il n’en savait pas grand-chose et qu’il pouvait aller se renseigner. A
la barre, Dogbo Blé a été formel : « Je n’ai donné aucun ordre et je n’ai eu de contact avec qui que ce soit dans ce sens ».
Les accusés ont fait savoir qu’après, ils ont accompagné le général,
cette nuit-là, à son domicile. Cependant, son secrétaire Kalou Bi, son
chef de sécurité Kouadio Kouadio et son directeur de cabinet soutiennent
tous le contraire, à savoir que cette nuit-là, leur patron a dormi à la
présidence où était logé son bureau. Parole contre parole, ainsi se
poursuit la saga des contradictions, de sorte que l’on a dû mal à savoir
de quel côté se trouve la vérité. Devant ces nombreuses pistes que
constituent les témoignages et les versions des uns et des autres, on ne
distingue pas clairement celle qui mènent à celui qui a donné l’ordre
de tuer le colonel-major Dosso Adama. Et le doute demeure ! L’audience
reprend ce matin, mercredi 10 octobre à 10h.
Alain BOUABRE
Encadré
Le président du tribunal militaire, le
magistrat Kanga Pennon Mathurin, a usé de tact, hier, au cours du procès
pour appeler les avocats Gohi-Bi Raoul (défenseur de Lago Léo, Toh
Ferdinand et Toualy Jean-Noël) et Sounkalo Coulibaly (partie civile) au
calme. Mais avant d’y arriver, il a momentanément suspendu l’audience
pour aplanir les incompréhensions entre les deux juristes. Tout est
parti d’une observation, en des termes un peu durs, de l’avocat Gohi Bi
qui reprochait à son confrère d’aller dans tous les sens. « Comme
par extraordinaire Me Sounkalo qui est avocat du Rdr est dans ce procès
partie civile et officier de police judiciaire. Je demande qu’il remette
au sergent Lago Léo, dont je suis l’avocat, toutes ses affaires et son
téléphone », a-t-il fait remarquer. Le juge convoque alors les
deux hommes à son bureau. Une dizaine de minutes plus tard, les choses
sont rentrées dans l’ordre et le procès a pu reprendre tranquillement.
A.BOUABRE
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